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.J’attendis puis lui demandai une fois de plus pourquoi ce rouleau avait tant d’importance.« Tu es un importun, Derfel.C’est bon, je vais satisfaire ton caprice.» Il lâcha le manuscrit qui s’enroula tout seul et se laissa tomber dans les coussins humides et usés du capitaine.« Bien entendu, tu sais qui était Caleddin ?— Non, Seigneur », avouai-je.Il leva les mains en signe de désespoir.« N’as-tu pas honte de ton ignorance, Derfel ? Caleddin était un druide des Ordovicii.Une malheureuse tribu, et j’en sais quelque chose.L’une de mes épouses était une Ordovicienne et une créature de ce genre était bien suffisante pour douze vies.Plus jamais ça.» Il frissonna rien que d’y penser, puis plongea son regard dans le mien.« Gundleus a violé Nimue, n’est-ce pas ?— Oui.» Je me demandais comment il le savait.« Le sot ! Le sot ! » Loin de le contrarier, le destin de sa maîtresse semblait l’amuser.« Comme il va souffrir.Nimue est fâchée ?— Furieuse.— Bien.La fureur est fort utile et la chère Nimue est douée pour ça.L’une des choses qui m’insupportent chez les chrétiens, c’est leur admiration pour l’humilité.Imagine ! Élever l’humilité au rang de vertu ! L’humilité ! Tu imagines un ciel où il n’y aurait que des humbles ? Quelle idée épouvantable.Les plats refroidiraient car tout le monde passerait le sien à son voisin.L’humilité n’est pas une bonne chose, Derfel.La colère et l’égoïsme, voilà les qualités qui font marcher le monde.» Il s’esclaffa.» Revenons à Caleddin.C’était un bon druide pour un Ordovicien, pas tout à fait aussi bon que moi, cela va sans dire, mais il avait ses bons jours.Entre parenthèses, j’ai apprécié que tu veuilles occire Lancelot, quel dommage que tu n’aies pas fini le travail.J’imagine qu’il s’est enfui ?— Dès l’instant où la cité était condamnée, oui.— Les marins disent que les rats sont toujours les premiers à quitter le navire.Pauvre Ban.C’était un idiot, mais un brave idiot.— Savait-il qui vous étiez ?— Bien sûr que oui.C’eût été terriblement grossier de ma part d’abuser mon hôte.Il ne l’a dit à personne d’autre, naturellement, sans quoi j’eusse été assailli par ces redoutables poètes qui m’auraient prier d’user de ma magie pour faire disparaître leurs rides.Tu n’imagines pas, Derfel, à quel point un peu de magie peut être importune.Ban savait qui j’étais, Caddwg aussi.C’est mon serviteur.Le pauvre Hywel est mort, n’est-ce pas ?— Si vous le savez déjà, pourquoi le demander ?— J’entretiens juste la conversation ! protesta-t-il.La conversation est l’un des arts civilisés, Derfel.On ne peut pas tous traverser la vie en grognant avec une épée et un bouclier.Quelques-uns d’entre nous doivent essayer de préserver la dignité.» Il renifla.« Alors comment savez-vous qu’Hywel est mort ?— Parce que Bedwin me l’a écrit, pauvre sot.— Bedwin vous a écrit tout au long de ces années ? demandai-je stupéfait.— Bien entendu.Il avait besoin de mes conseils.Que croyais-tu que je faisais ? Que j’avais disparu ?— Vous aviez bel et bien disparu, répliquai-je avec rancœur.— Sottises.C’est simplement que tu ne savais pas où me chercher.Non que Bedwin m’ait consulté sur tout.Quel gâchis il a fait ! Mordred en vie ! Folie pure.Il aurait fallu étrangler l’enfançon avec son cordon ombilical, mais j’imagine qu’on n’aurait jamais pu persuader Uther de le faire.Pauvre Uther.Il croyait que les vertus se transmettent par les reins d’un homme ! Quelle sottise ! Un enfant, c’est comme un veau ; si la chose naît estropiée, on s’empresse de lui briser le crâne pour saillir de nouveau la vache.Il n’y a pas grand plaisir pour les femmes dans tout cela, c’est entendu, mais il faut bien que quelqu’un souffre.Remercions les Dieux que ce soit elles, plutôt que nous.— Avez-vous jamais eu des enfants ? demandai-je, m’étonnant de n’avoir encore jamais pensé à lui poser la question.— Bien sûr que oui ! Quelle question extraordinaire.» Il me considéra comme s’il doutait de ma santé mentale.« Je n’ai jamais eu beaucoup d’affection pour aucun d’entre eux et, fort heureusement, la plupart sont morts ; quant aux autres, je les ai reniés.Il y a même un chrétien parmi eux, je crois.» Il frissonna.« Je préfère de beaucoup les enfants des autres.Ils sont bien plus reconnaissants.Mais de quoi parlions-nous ? Ah oui, Caleddin.Un homme terrible.» Il hocha la tête d’un air lugubre.« C’est lui qui a écrit le rouleau ?— Ne sois pas stupide, Derfel, trancha-t-il avec humeur.Les druides ne sont pas habilités à écrire quoi que ce soit, c’est contre les règles.Tu le sais ! Dès que tu écris quelque chose, ça devient figé.Ça devient un dogme.Les gens peuvent en discuter, ils deviennent péremptoires, ils se réfèrent aux textes, produisent de nouveaux manuscrits, ils discutent encore et bientôt ils s’entre-tuent.Si tu n’as jamais rien écrit, personne ne sait exactement ce que tu as dit et tu peux toujours le changer.Faut-il donc que je t’explique tout ça ?— Vous pouvez expliquer ce qui est écrit sur le rouleau, dis-je humblement.— C’est exactement ce que j’étais en train de faire ! Mais tu ne cesses de m’interrompre et de changer de sujet ! C’est un monde ! Et dire que tu as grandi au Tor.J’aurais dû te fouetter plus souvent, cela t’aurait peut-être inculqué de meilleures manières.J’apprends que Gwlyddyn rebâtit ma demeure ?— En effet.— Un brave homme, ce Gwlyddyn, et honnête.Il faudra probablement que je reconstruise tout moi-même, mais il essaie [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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