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.La bande dessinée marrante que Yûichi m’avait donnée à un moment où mon travail me pesait.En la lisant, Eriko s’était mise à rire aux larmes.L’odeur de l’omelette un dimanche matin où il faisait beau.Le contact léger de la couverture qu’on mettait sur moi chaque fois que je m’endormais par terre.Ouvrant un œil à moitié, je voyais vaguement le bas de la jupe et les jambes fines d’Eriko qui s’éloignait.Et elle encore, complètement ivre, que Yûichi avait ramenée à la maison en voiture, et que nous avions portée tous les deux jusqu’à son lit… Et le jour de la fête de l’été, la sensation de la ceinture qu’elle avait nouée énergiquement sur mon kimono de coton léger, et la couleur des libellules rouges qui dansaient leur danse folle dans le ciel du soir.Les vrais souvenirs, les bons souvenirs vivent toujours d’un même éclat.Au fil du temps, ils respirent avec une douceur mélancolique.Tant de journées, tant de soirs où nous avions partagé nos repas…Un jour, Yûichi a dit : « Comment ça se fait que tout est si bon, quand je mange avec toi… »J’ai ri : « C’est sans doute parce que tes appétits sont comblés à la fois sur le plan culinaire et sexuel !— Non, non, ce n’est pas ça ! a-t-il répondu dans un éclat de rire.C’est sûrement parce que nous sommes en famille ! »Eriko n’était plus là , mais entre Yûichi et moi était revenue la gaîté d’autrefois.Il mangeait son katsudon, je buvais mon thé, les ténèbres n’étaient plus porteuses de mort.Et cela me suffisait.« Bon, je vais rentrer ! »Je me suis levée.« Rentrer ? a dit Yûichi d’un air étonné.Où ça ? D’où tu es venue ?— Écoute-moi, lui ai-je dit d’un ton moqueur, en fronçant le nez.C’est une soirée tout à fait réelle ! » À partir de là , il m’a été impossible de m’arrêter.« Je suis venue d’Izu, j’ai sauté dans un taxi pour venir jusqu’ici.Tu sais, Yûichi, je ne veux pas te perdre.Jusqu’à maintenant, nous étions dans un monde très triste, mais en même temps bien moelleux.La mort, c’est trop lourd, et on n’aurait pas dû la connaître si tôt, alors il n’y avait pas moyen de faire autrement… À l’avenir, avec moi, tu vivras peut-être des choses pénibles, embêtantes ou même écœurantes, mais si tu le veux bien, j’aimerais qu’on aille tous les deux vers quelque chose… de plus dur peut-être, mais de plus vivant ! Ce n’est pas la peine d’y penser maintenant, mais quand tu auras retrouvé la forme… S’il te plaît, ne disparais pas comme ça ! »Yûichi a posé ses baguettes, et a dit en me regardant droit dans les yeux : « Je crois que je ne mangerai plus jamais un katsudon aussi bon… C’était absolument délicieux !— Tu vois ! » Et j’ai ri.« Je reconnais que dans l’ensemble, je n’ai pas été très brillant.La prochaine fois, je me montrerai plus viril, plus fort, tu verras ! »Yûichi a ri à son tour.« Tu serais capable de déchirer l’annuaire du téléphone devant moi, par exemple ?— Oui, oui, ou de soulever une bicyclette pour la jeter au loin !— Ou de pousser un camion pour l’écraser contre un mur !— Ça, c’est juste bon pour les brutes ! »Son visage rieur rayonnait, et j’ai senti que j’avais peut-être fait bouger « quelque chose » d’un ou deux centimètres.« Bon, j’y vais ! Sinon, le taxi va se sauver », ai-je dit, et je me suis dirigée vers la porte.Yûichi m’a appelée : « Mikage !— Oui ? »Comme je me retournais, il m’a dit : « Prends bien soin de toi.»Je lui ai fait un signe de la main en souriant, et, cette fois, je suis sortie par la porte principale que j’avais déverrouillée, et j’ai couru vers le taxi.Arrivée à mon hôtel, je me suis enfouie sous la couette, et laissant le chauffage allumé à cause du froid glacial, je me suis endormie comme une masse.… Réveillée soudain par les voix du personnel de l’hôtel et des claquements de pantoufles dans le couloir, j’ai vu que le temps avait complètement changé.De l’autre côté de la grande baie vitrée, le ciel était couvert de nuages gris et lourds, et un vent violent, mêlé de neige, soufflait avec rage.Tout engourdie, je me suis levée pour allumer la lumière, avec l’impression d’avoir rêvé tout ce qui s’était passé la nuit précédente.Au-dehors, sur les montagnes qui se découpaient contre la vitre, la neige virevoltante poudroyait.Les arbres ployaient en mugissant.Ma chambre, presque trop chauffée, était blanche et claire.Je me suis enfouie de nouveau sous la couette, et je suis restée longtemps à regarder le paysage enneigé, puissant et gelé.Mes joues étaient brûlantes.Eriko n’était plus là .… Devant ce paysage, cette fois vraiment je le savais : quel que soit l’avenir qui nous attendait, Yûichi et moi, et même si la vie était longue et belle, je ne reverrais plus jamais Eriko.Des passants marchaient d’un pas frileux sur les berges de la rivière, la neige commençait à recouvrir les toits des voitures d’une couche légère et blanche, les arbres dodelinaient de la tête, dispersant au vent des feuilles mortes.Le châssis argenté de la fenêtre brillait d’un éclat froid.Bientôt j’ai entendu derrière la porte résonner la voix joyeuse de la directrice, qui venait me réveiller : « Mademoiselle Sakurai, vous êtes levée ? Il neige, il neige !— Je viens ! » ai-je répondu en me mettant debout.S’habiller, repartir pour une autre journée… Encore et toujours de nouveaux départs.Le dernier jour, après un reportage sur la cuisine française dans un charmant hôtel de Shimoda, nous avons conclu notre voyage par un somptueux dîner.Les autres membres de l’équipe étaient tous des couche-tôt, mais pour moi, la noctambule invétérée, la soirée ne pouvait pas se terminer si vite, et quand chacun a regagné sa chambre je suis partie me promener toute seule sur la plage devant l’hôtel.Même avec un manteau et plusieurs épaisseurs de collants, j’aurais presque crié tellement il faisait froid.Au distributeur automatique j’ai acheté une boîte de café que j’ai mise dans ma poche.Elle me tenait chaud pendant que je marchais.Je me suis arrêtée sur la digue : la plage était plongée dans des ténèbres blanchâtres.La mer, d’un noir d’encre, s’ourlait parfois d’un liséré de dentelle scintillante.Le vent glacial soufflait en rafales, et dans cette nuit où le froid engourdissait l’esprit, j’ai descendu l’escalier sombre qui menait à la plage.Le sable, presque gelé, crissait sous les pas.J’ai marché longtemps le long du rivage, en buvant mon café chaud.Je regardais la mer infinie, enveloppée d’obscurité, la masse énorme des rochers rugueux qui résonnaient du battement de la houle, et j’ai été prise d’une étrange mélancolie mêlée de douceur.Je connaîtrais encore sans doute bien des joies, bien des peines… Même sans Yûichi.C’était ce que je pensais, profondément.Au loin pivotait le faisceau du phare.Il se tournait parfois vers moi, puis s’éloignait de nouveau, traçant un chemin lumineux sur les vagues.J’ai hoché la tête, et j’ai regagné ma chambre d’hôtel, la goutte au nez.Pendant que l’eau chauffait dans la petite bouilloire électrique, j’ai pris une douche brûlante.Une fois déshabillée, j’étais assise sur mon lit quand le téléphone a sonné.J’ai décroché : c’était la réception.« Il y a une communication pour vous.Ne quittez pas, s’il vous plaît ! »Au-dehors, je voyais le jardin de l’hôtel en contrebas, la pelouse sombre et le portail blanc.Plus loin il y avait la plage glaciale où je me trouvais tout à l’heure, la mer avec sa houle noire.Le bruit des vagues venait jusqu’à moi.« Allô ! » La voix de Yûichi m’a sauté aux oreilles
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