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.Les registres de l’Inquisition le confirment : il y a eu un trésor à Montségur, que certains ont cru retrouver dans la fameuse histoire de l’abbé Saunière, de Rennes-le-Château – abbé devenu subitement richissime, sans raison apparente, si bien que l’on n’a pas manqué de murmurer aussitôt qu’il avait redécouvert de façon fortuite le trésor cathare.Il est amusant de voir que, dès que l’Histoire nous livre ses énigmes, nous sautons à pieds joints dans l’exaltation romanesque.Oui, il y a eu un trésor à Montségur – mais lequel ? Aucune chronique, aucun témoignage ne nous livre cette clé.Nous ignorons la nature exacte de ce trésor, et ce qu’il pouvait représenter aux yeux mêmes des cathares.Où l’a-t-on dissimulé ? Oh, je te rassure : je n’escompte pas trouver de trésor sur le lieu de mes fouilles… Les minutes de l’Inquisition attestent également que quatre parfaits réussirent à le sauver avant l’holocauste final.Quant à savoir ce que ces gens sont devenus…Je divague, mon cher Antoine.Je fais de toi le fidèle témoin de mes pensées, je te parle comme à moi-même.Tu vois que les choses n’ont guère changé ! Depuis combien de temps nous connaissons-nous ? Quarante-trois ans, d’après mes calculs.Je me souviens encore de toi en culottes courtes, ou presque.Allons, trêve de nostalgie : tu pourrais croire que j’oublie de te parler de ce que tu m’as envoyé.Détrompe-toi : je ne faisais que retarder le moment où je pourrais te faire part de ma surprise et de mon enthousiasme pour le travail auquel tu te consacres.Je suis heureux de penser que c’est un moyen pour nous de nous rejoindre, toi dans tes parchemins et moi au milieu de mes ruines.Certes, l’histoire de ton troubadour m’a amusé.Mais au-delà de ce divertissement courtois, je frémis à l’idée que tu tiens peut-être entre les mains, grâce à ton archiviste, un manuscrit unique ! Je ne me souviens pas, malgré tout ce que j’ai pu lire sur la question, qu’on y fasse référence dans une quelconque bibliographie.Alors profites-en, et surtout n’en parle à personne : tu n’imagines pas que certains aficionados, dont moi, pourraient se damner pour avoir un tel livre entre les mains ! Ne me laisse pas sur ma faim, continue de suivre l’itinéraire de ton troubadour et envoie-moi la suite.Dieu seul sait où cela nous mènera !Ah ! Mathilde m’appelle.Tu la connais, trente ans que je vis avec elle, et elle a toujours réussi à me dompter comme un gros matou.Je ne peux pas la faire attendre et j’ai encore beaucoup de travail.Elle t’embrasse de tout cœur, me dit-elle.Moi aussi.À bientôt, Antoine !Prends soin de toi.Philippe.»4Le meurtre________________________Janvier 1208« Messeigneurs ! C’est ici que le poème devientémouvant.Il fut commencé, en toute vérité, l’ande l’incarnation du Seigneur Jésus-Christ, où il yeut 1210 ans qu’il vint en ce monde… »GUILLAUME DE TULÈDE,La Chanson de la Croisade albigeoise.Quelques heures avant son assassinat, le 15 janvier 1208, Pierre de Castelnau songeait encore avec fureur aux derniers événements dont il avait été le témoin.L’aurore venait de se lever sur Saint-Gilles, aux confins de la Provence.Il était seul devant sa table, une plume à la main, rédigeant en hâte une lettre qu’il comptait faire parvenir à Rome au plus vite ; un messager de confiance irait porter ses nouvelles en Italie.Perché au sommet de la tour qui dominait la ville, il jetait de temps à autre un coup d’œil aux lumières de l’aube, à travers la fenêtre surplombant les toits du castrum.Sa mission était un échec, il le savait ; une terrible colère sourdait de ses entrailles.Il ne pressentait que trop ce qui risquait de se produire.Mais pas un seul instant, il n’aurait pu s’imaginer qu’il serait l’homme par qui tout allait commencer.— Oui, j’ai échoué, dit-il à Frère Bertrand, le jeune moine qui se tenait auprès de lui.Il inspira profondément et répéta :— J’ai échoué et nous n’avons plus de solution.Pierre se passa la main sur les yeux.Il n’avait guère dormi ces derniers jours.Ses muscles étaient lourds et douloureux.Un rayon de soleil vint s’échouer sur le rouleau de parchemin, devant lui.Pierre guetta le contact de cette chaleur encore lointaine.Il aurait aimé voir, dans les premiers feux de cette aube qui se levait sur Saint-Gilles, un signe d’espoir.Mais il était inutile de se bercer d’illusions.La cause était perdue.L’Occitanie pouvait s’attendre aux pires représailles.Légat du siège apostolique en Languedoc, archidiacre de Maguelonne et moine de l’abbaye cistercienne de Fontfroide, Pierre avait été désigné par Innocent III comme ambassadeur plénipotentiaire du Saint-Siège en terre occitane.Il avait pour mission de restaurer l’autorité de l’Église dans une région où l’hérésie ne cessait de croître.L’ennemi désigné était le comte de Toulouse, Raymond VI, cousin du roi de France, duc de Narbonne et marquis de Provence, beau-frère du roi d’Angleterre et du roi d’Aragon, également lié à l’empereur d’Allemagne.Sa suzeraineté s’étendait sur l’Agenais, le Quercy, le Rouergue, l’Albigeois, le Carcassès, le Comminges, le comté de Foix.Raymond VI ! À travers lui, c’était toute la terre occitane qu’il fallait combattre.Pierre l’avait rencontré à plusieurs reprises.On disait ce personnage redoutable et de mœurs exécrables.Il n’y avait plus à en douter : Raymond encourageait la sédition et fermait les yeux sur cette religion nouvelle qui gagnait chaque jour un peu plus les villes et les campagnes.L’hérésie qui couvait en Occitanie avait un nom : le catharisme.Elle attaquait le fondement même de l’édifice religieux et féodal construit au fil des siècles.Certes, de toutes parts, Pierre avait reçu des témoignages hostiles aux hérétiques.Il se souvenait du traité de Cosmas attaquant les aberrations théologiques et les perversités des bogomiles bulgares ; près de trois siècles plus tôt, l’Église avait déjà été alertée par la contre-religion qui prenait naissance jusque dans les monastères de Constantinople et d’Asie byzantine.Phoundagiates, moines vagants, piphles de Flandres, patarins d’Italie du Nord, publicains de Champagne, vaudois de Lyon, tous avaient commencé de battre en brèche les autorités.Sur l’ordre de Robert le Pieux, on avait brûlé des chanoines à Orléans, dont le propre confesseur de la reine.Gérard de Cambrai à Arras et Adhémar de Chabannes à Angoulême avaient tenté de liquider les premiers foyers d’hérésie.De grandes rafles avaient été menées à Liège et dans l’archevêché rhénan, lorsque le prévôt de l’abbaye de Steinfeld avait lancé à Bernard de Clairvaux un cri d’alarme.Mais jamais le mouvement hérétique n’avait été aussi puissant et contestataire qu’en Languedoc.Pierre avait très vite pris conscience de la situation
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