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.— Asseyez-vous, ordonna-t-il.Il paraissait fatigué et impatient, maîtrisant très soigneusement sa voix, même si son agacement transparaissait.— Quel est donc ce complot irlandais en vue d’un assassinat que vous pourchassez ? s’enquit-il.Non, ne prenez pas la peine de répondre.Si vous ne le jugiez pas assez important pour m’en parler, vous ne devriez pas perdre du temps dessus.Laissez tomber ! Vous me comprenez ?— J’ai laissé tomber, dit Matthew d’un ton sec.C’était la vérité, ou en partie, du moins.Si les Irlandais n’étaient pas en cause, il s’agissait d’autre chose, et Matthew continuerait à enquêter sur l’affaire.C’était la première fois qu’il mentait à Shearing et il en éprouvait une gêne intense.— Très sage de votre part, dit son chef.Il y a des grèves en Russie.Plus de cent cinquante mille hommes dans les rues, rien qu’à Saint-Pétersbourg.Et, lundi, apparemment, on a tenté une nouvelle fois d’assassiner le moine fou de la tsarine, Raspoutine.Nous n’avons pas le temps de courir après nos propres fantômes et nos farfadets.Il ne quittait toujours pas Matthew des yeux.— Je ne vous considère par comme quelqu’un en quête de gloire, Reavley, mais si je découvre que j’ai fait erreur, je vous flanquerai si vite à la porte que vos pieds toucheront à peine le sol.Son visage en colère le défiait.L’espace de quelques instants, Matthew y perçut aussi un soupçon de crainte, la sensation d’être dépassé par les événements, qui le laissèrent consterné.— La situation dans les Balkans se détériore de jour en jour, poursuivit âprement Shearing.Des rumeurs circulent, selon lesquelles l’Autriche se prépare à envahir la Serbie.Si tel est le cas, subsiste le danger sérieux et bien réel que la Russie tente de la protéger.Ils sont alliés par la langue, la culture et l’histoire.Son visage était contracté et ses mains, sombres, irréprochables, agrippaient le bureau.— Si la Russie mobilise, ce ne sera plus qu’une affaire de jours avant que l’Allemagne suive.Le kaiser y veillera en personne, car il est cerné de nations hostiles, toutes armées jusqu’aux dents, et de plus en plus fortes.Compte tenu de ce déséquilibre, il a raison dans une certaine mesure.Il affrontera la Russie à l’est et inévitablement la France à l’ouest.L’Europe sera alors en guerre.— Mais pas nous, intervint Matthew.Nous ne sommes une menace pour personne et cela ne nous concerne guère.— Dieu seul le sait, répondit son chef.— N’est-ce pas le moment que les Irlandais choisiraient pour frapper ?Matthew ne pouvait oublier ce document et la voix outragée de son père.Impossible d’abandonner.— Ce serait le moment, ajouta-t-il, si je me trouvais à leur tête.— M’est avis que Dieu aussi le sait, rétorqua Shearing avec hargne.Mais vous laisserez faire la Special Branch.L’Irlande est son problème.Concentrez-vous sur l’Europe.C’est un ordre, Reavley !Il s’empara d’un petit tas de documents sur son bureau et le lui tendit.— À propos, C veut vous voir dans son bureau d’ici une demi-heure.Il ne leva pas les yeux en le lui annonçant.Matthew se figea.Sir Mansfield Smith-Cumming dirigeait les services secrets depuis 1909.Il avait débuté sa carrière en qualité de sous-lieutenant dans la marine royale, en servant en en Inde, jusqu’à ce qu’il soit mis en inactivité pour maladie chronique.En 1898, on l’avait rappelé et il avait accompli pour l’Amirauté nombre de missions d’espionnage couronnées de succès.Désormais, l’agence qu’il dirigeait collaborait avec tous les corps d’armée et les départements politiques de haut niveau.— Bien monsieur, dit Matthew d’une voix rauque, l’esprit en ébullition.Avant que Shearing puisse relever la tête, il tourna les talons et sortit dans le couloir.Il tremblait de tous ses membres.Trente minutes plus tard, Matthew était introduit dans le bureau de Smith-Cumming, qui le regarda sans sourire.— Capitaine Reavley, monsieur.Vous m’avez fait appeler.— En effet, acquiesça C.Matthew attendit, le cœur battant la chamade, la gorge serrée.Il savait que tout son avenir professionnel dépendait de ce qu’il dirait ou omettrait pendant cet entretien.— Asseyez-vous, ordonna C.Vous le resterez jusqu’à ce que vous me disiez tout ce que vous savez sur ce complot que vous tentez de débusquer.Matthew n’était pas mécontent de s’asseoir.Il rapprocha le premier fauteuil à sa portée et s’y installa en faisant face à C.— À l’évidence vous ne possédez pas la preuve documentaire, commença C.Pas plus, visiblement, que l’homme qui vous a pris en filature et m’a suivi aussi à l’occasion.Matthew resta immobile.— Vous ne le saviez pas ? observa C.— Je savais certes qu’on me suivait, monsieur, se hâta de répondre Matthew, la gorge toujours nouée.J’ignorais en revanche qu’on vous avait suivi.C haussa les sourcils, ce qui atténua un peu la gravité de son visage.— Savez-vous de qui il s’agit ?— Non, monsieur.Il envisagea de présenter ses excuses, puis se ravisa aussitôt.— C’est un agent allemand du nom de Brandt.Malheureusement nous n’en savons guère plus.Où et quand avez-vous entendu parler pour la première fois de ce document, et qui vous a mis au courant ?Matthew ne songea même pas à mentir.— Mon père, monsieur, au téléphone, le soir du 27 juin.— Où étiez-vous ?— Dans mon bureau, monsieur, répondit Matthew en se sentant rougir.Le visage de C se radoucit.— Que vous a-t-il confié ?— Qu’il avait découvert un document dans lequel était brièvement décrite une conspiration qui déshonorerait à jamais l’Angleterre et changerait la face du monde de façon aussi irrémédiable qu’épouvantable.— En aviez-vous entendu parler auparavant ?— Non, monsieur.— Avez-vous eu du mal à le croire ?— Oui.Cela m’était quasi impossible.Il en éprouvait de la honte, mais disait vrai.— L’avez-vous fait répéter, pour être certain de l’avoir bien compris ?— Non, monsieur, dit Matthew, la figure en feu.Mais je lui ai fait confirmer qu’il comptait bien me l’apporter le lendemain.Pareil aveu se révélait accablant.La seule chose qui l’aurait rendu plus coupable, c’eût été de mentir sur ce point, à présent.C hocha la tête.Ses yeux témoignaient de la compassion.— Donc celui qui a surpris votre conversation savait déjà que le document avait disparu et que votre père l’avait en sa possession.Ce qui nous éclaire sur la question.Que savez-vous encore ?— On a délibérément tendu une embuscade à mon père, alors qu’il me rejoignait en automobile.Ma mère et lui ont été tués, répondit Matthew.Il aperçut une lueur de sympathie dans le regard de C et prit une profonde inspiration avant d’ajouter :— Lorsque la police m’a prévenu, je suis allé à Cambridge chercher mon frère aîné, Joseph…— Il n’en savait rien ? interrompit C.Il était plus proche et plus âgé que vous.— Oui, monsieur.Il assistait à un match de cricket.Il a perdu son épouse il y a environ un an.Je ne pense pas que la police souhaitait qu’un membre du collège lui apprenne la nouvelle.Le directeur se trouvait aussi au match, comme la plupart de ses amis.— Je vois.Vous vous êtes donc rendu à Cambridge en voiture pour la lui annoncer.Et ensuite ?— Nous sommes allés identifier les corps de nos parents et j’ai fouillé leurs affaires, puis l’épave du véhicule… en quête du document.Il demeurait introuvable [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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