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.Le monde était fait d’épice !Selim pouvait à peine respirer ou bouger dans la senteur puissante du Mélange qui recouvrait sa peau, ses narines, tapissait ses yeux.Il se frayait un chemin dans le sable de rouille et, à chaque mouvement, il avait le sentiment de nager dans un fleuve de perles de verre.Il inspira, rêvant d’un air vivifiant, mais s’emplit les poumons des relents de cannelle étouffants.Il se noyait dans l’épice.Le désert couvait en secret le Mélange, il ne le révélait que rarement, avec violence, dans les explosions qui déversaient la poudre rougeâtre sur les dunes.Sur Arrakis, la vie était l’épice.Et les vers suscitaient l’épice.Selim progressait avec des gestes paresseux, comme s’il était intoxiqué par ses visions.En atteignant le fond du sillon, il s’arrêta en toussant.Mais les images continuaient de tourner en grondant dans son esprit comme une tempête exceptionnelle.Le ver était reparti depuis longtemps, poursuivant sa course entre les dunes.Il avait laissé Selim là où il était tombé.La vieille bête du désert aurait pu avaler son cavalier, mais elle n’avait même pas tenté de le faire.Ce n’était pas par hasard.Bouddhallah avait conduit Selim jusque-là et il entendait bien découvrir dans quel but.Il avait chevauché le monstre des sables dans la nuit durant des heures, sans but précis.Il était inquiet mais à l’aise.stupide.Le ver était arrivé sur un site d’explosion d’épice.Les mystérieuses réactions chimiques et les pressions qu’elle engendrait sous le sable avaient atteint un seuil critique sous l’effet de la fermentation.Le gisement avait alors libéré sa charge de gaz et une énorme colonne de Mélange et de sable avait jailli en surface.Dans l’obscurité, Selim ne l’avait pas vue, et il ne s’était pas non plus attendu à cet événement exceptionnel.Le ver était alors devenu frénétique, incontrôlable.Le champ d’épice répandu l’avait rendu fou.Il s’était cabré, agité de convulsions violentes.Surpris, Selim s’était cramponné à ses harnais et à ses câbles.Le ver s’était longtemps débattu, cognant les dunes dans un bruit de tonnerre comme si le sable était devenu un élément hostile.Finalement, il avait éjecté la lance de métal que Selim avait plantée entre ses segments.Il était tombé au sol, abasourdi.Il avait entrevu la muraille mouvante et rousse de la bête qui le frôlait et qui cherchait déjà à s’enfuir dans le sable.Puis il avait roulé dans une surface douce, humide, qui avait absorbé l’impact.Enfin libre, le ver avait plongé entre deux dunes, comme s’il voulait retrouver l’origine de l’éruption d’épice.Il avait laissé un sillage de gerbes de gravier fauve et rougeâtre.Selim était à bout de souffle.Il crachait, au bord de l’inconscience, son esprit submergé par l’odeur puissante de cannelle, les vêtements collants, la peau visqueuse.Il parvint enfin à se lever en titubant et s’assura que ses bras, ses épaules et ses côtes n’étaient pas fracturés.Un nouveau miracle, une nouvelle leçon cryptique de Bouddhallah.Sous la clarté de la lune, les vagues laiteuses et douces des dunes paraissaient tachées de sang.Jamais encore, il n’avait vu un tel champ d’épice.C’était comme si un démon surgi des profondeurs s’était amusé à se secouer à la surface du monde.Selim se décida enfin à avancer.Il récupéra dans le sable doux son matériel, sa lance de métal et ses rênes.Si jamais un autre ver se présentait, il devait être prêt à le chevaucher.A chaque pas, chaque souffle, l’épice semblait pénétrer un peu plus profondément en lui.Ses yeux avaient déjà pris la coloration bleue de la saturation mais, maintenant, il se noyait dans le Mélange.Et son esprit commençait à s’y immerger.Il atteignit enfin le sommet d’une dune mais sans en prendre conscience, et il roula par-dessus la crête jusqu’au bas de la contre-pente.Le monde roulait avec lui, basculait, s’ouvrait.et lui révéla ses mystères prodigieux.Il clama alors dans la nuit :— Mais c’est quoi ?Les dunes étaient autant de crêtes figées d’un océan oublié, enflées, érigées, lourdes de leur poudre à libérer.Dans cet océan, il y avait les vers, immenses poissons prédateurs.Et les veines d’épice coulaient dans le réseau sanguin du désert, souples, puissantes et dissimulées, enrichissant les strates par le jeu d’un écosystème complexe, d’un plancton, d’êtres gélatineux.et, bien sûr, par l’interaction des vers géants.Shai-Hulud.Il avait entendu ce terme, il l’avait retenu dans un coin de son cerveau.Oui, ça n’était pas Shaitan mais Shai-Hulud.Non pas le nom d’une créature, non pas une description, mais le nom d’un dieu.Une manifestation de Bouddhallah.Shai-Hulud !Et puis, dans sa vision, il vit l’épice diminuer, disparaître, pillée par des parasites qui.qui ressemblaient fort aux vaisseaux interstellaires qu’il avait entrevus sur le spatioport d’Arrakis Ville.Des récolteurs, des trafiquants, et même des Zensunni ravageaient les dunes, raflaient tout le Mélange qu’ils trouvaient, s’emparaient du trésor de Shai-Hulud pour le laisser suffocant dans une mer de sable sec et dépourvue de vie.De lourds vaisseaux quittaient la planète avec les derniers grains d’épice, laissant le peuple les mains tendues, suppliant.Peu après, des tempêtes immenses balayaient le monde, emportaient le sable jusqu’au ciel avant de le laisser retomber en tourbillons, en pluies rouges, en flux corrosifs.Et plus rien ne survivait après le passage des ouragans avides.Arrakis n’était plus qu’une plage sans mer, stérile, immobile, éteinte.Sans mes vers, sans les gens.sans le Mélange.Selim se retrouva juché sur la crête d’une dune sous le soleil ardent du zénith.Il avait la peau rouge mais dure comme du cuir, les lèvres craquelées.Depuis combien de temps était-il ici ? Il lui vint un soupçon terrible : depuis plus d’une journée.Il se leva.Ses articulations étaient raides, comme rouillées.Il était encore englué d’épice, mais il ne semblait plus en être affecté.Il avait vu tant d’images dans sa vision, tant de cauchemars issus du Mélange
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