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.Et disons que ce qu’on doit faire pendant notre vie, c’est empêcher cette noirceur de remonter, de s’insinuer en nous et de s’emparer de notre être.C’est comme ça qu’on devient mauvais, tu vois.Ce n’est pas qu’on vienne d’une mauvaise famille, ou d’une rue ou d’un coin pourri de la ville.Ça vient de ce qu’on n’a pas été assez fort pour repousser cette noirceur, ou qu’on a été trop paresseux pour le faire, ou simplement qu’on s’en foutait.Je crois que c’est ça qui me bousille le plus : qu’on s’en foute.»Boboko doutait fort d’avoir même la plus petite parcelle de chien en lui, noir ou non, mais il voulait se tenir le mieux possible, parce que Ola était assez bouleversée comme ça sans ajouter à ses inquiétudes.Il ne savait pas encore s’il s’intéressait tant que ça au Dr Arc-en-Ciel, mais son impression première s’était vue grandement tempérée par la journée qu’il avait passée en sa compagnie.« Ça ne s’applique pas à tout, dit Ola.Il y a des endroits et des choses dans le monde qui sont mauvais parce que c’est leur nature.— Peut-être que oui, peut-être que non, répondit Zach.Prenez votre exemple.Avec tout ce que vous avez vécu étant enfant.si les socialistes avaient raison, vous seriez quelqu’un de méchant, d’amer, qui n’aurait pas d’autre but que de se venger de ceux qui l’ont harcelé.— Je suis amère.— Mais pas méchante.»Ola poussa un soupir.« Quelquefois, je ne sais pas ce que je suis, Zach.Je n’arrive pas à m’adapter au monde des Gadje, parce que ça va complètement à rencontre de ce que je crois, mais on ne m’accepte pas non plus dans mon propre peuple.Je n’ai pas envie de rester seule toute ma vie.— Je pige, dit Zach.Mais écoutez : ça ne fait qu’un jour ou deux qu’on se connaît, alors disons que je crois qu’on s’entend plutôt bien.En tout cas, les vibrations sont bonnes de ce côté-ci de la pièce.Il doit y avoir d’autres gens avec qui vous vous sentiriez à l’aise.— J’imagine.»Ola ne comprenait pas ce qui, chez son hôte, l’encourageait à ouvrir ainsi son cœur.Cela devait avoir à faire avec le fait que lui aussi possédait la vue, sa propre forme de dook.Et que, d’une certaine façon, bien qu’elle ignorât s’il l’eût reconnu, il était, tout comme elle, un paria.C’était un réfugié d’une époque disparue, un hippie perdu dans un temps où il était plus important de s’occuper de soi que des autres ou du monde.La majorité de ses semblables avaient bradé leurs perles et leurs cheveux longs pour devenir cadres et hommes d’affaires, tandis que lui subsistait, anachronique, installé près d’un lac reculé, seul, avec pour toute compagnie les voix qu’il entendait dans le vent.Avait-il des amis ?« Vous ne vous sentez pas seul, parfois ? demanda-t-elle.— Si, parfois.J’ai quelques amis qui passent de temps en temps, mais la plupart des gens que je connaissais en ont eu assez d’attendre que j’arrête tout ça, vous voyez ce que je veux dire ? Comme si c’était mal d’être ce que je suis.» Leurs regards se croisèrent et il sourit tristement.« Je sais très bien ce que c’est que de ne pas s’adapter, Ola.»Le silence retomba entre eux.Ils étaient tous deux des inadaptés, se dit Ola.Quand Zach reprit son livre, elle posa les pieds par terre.« Je peux prendre votre canoë ? demancla-t-elle.— Bien sûr.Vous voulez que je vous accompagne ? » Ola fit non de la tête.« J’ai juste envie de faire un tour sur l’eau pour réfléchir.— Je connais ça.» Et hésita, prêt à ajouter « Soyez prudente », mais si elle n’y pensait plus, il ne voulait pas réveiller ses craintes.Ola alla chercher sa veste.« Ne m’attendez pas pour vous coucher, dit-elle.Je ne sais pas combien de temps je resterai sur le lac.— Prenez votre temps, fit Zach en l’accompagnant à la porte.— Ça ne vous dérange pas que j’y aille toute seule ?— Hé, on a tous besoin d’air de temps en temps, pas vrai ? »Ola acquiesça et fit un signe de la main.« Ne va pas t’attirer d’ennuis, Boboko », dit-elle au chat.Zach leva la main en guise de réponse et la regarda disparaître dans l’obscurité profonde du bas de la colline.Il demeura un long moment sur place, les yeux plongés dans les ténèbres.Depuis des années qu’il vivait ici, pour la première fois des terreurs nocturnes s’éveillaient en lui.L’obscurité qui s’étendait au-delà du périmètre de lumière du cottage ne lui apparaissait plus aussi paisible [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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